Moi, c'est Inaya. Mes passions sont tout simplement la peinture et la musique. J'ai 16 ans et je suis une lycéenne « banale », ou presque.. Je ne suis pas la seule à « être différente » pourtant j’ai l’impression qu’il n’y a que moi. Dans les couloirs, dans la cour et même à la cantine, je ne parle avec personne. Ou plutôt personne ne parle avec moi. J’aimerais tellement être comme vous, les blancs, à qui on ne reproche pas votre couleur de peau. Oui, ok, j’ai un ou deux potes, mais ce n'est pas la grande joie.
À la maison, il y a Maman et Issa, mon grand frère de 21 ans. Il reste avec nous pendant qu’il fait ses études de médecine. Tous les deux, ils n’arrêtent pas de me répéter que je suis une jeune fille magnifique. Je dois bien avouer que je passe mon temps devant le miroir 😂. Mes yeux bleus, par rapport à ma peau, sont très rares, d’après Issa. Lui, je le croirai toujours. Maman aussi, bien évidemment, mais je vois bien qu’elle n’a plus trop le cœur à s’amuser depuis la mort de Papa. C’était un homme bien, et très drôle ! Il fait partie de ceux qui sont partis trop tôt… C'est-à-dire qu’il a été attaqué dans la rue à cause de sa couleur de peau.
Je ne veux pas lui faire honte, alors je vais me battre à ses côtés, même si il n’est plus là.
Tout démarra un jour où je ne m’y attendais pas.
Je marche dans la cour, les yeux rivés sur mon portable. Comme à mon habitude, je m’assois sur le banc tout au fond du “terrain” de foot. Je n’ai déjà qu’une hâte : manger ! Je n’ai pas touché à mon bol de céréales, ce matin. C’est que je n’avais pas le temps ! J’ai vu sur mon application que mon bus était en avance ! C’est possible ça ??
La sonnerie retentit, je prends mon sac et je me rends à ma salle de classe.
La journée passe tout à fait normalement jusqu’au dernier cours. La prof de mathématiques nous dit :
-Bon, vous allez sûrement être heureux, mais vous n’allez pas suivre mon cours. Vous allez suivre une activité de débat avec des animatrices.
-C’est sur quoi ? demande un élève
-Sur le racisme.
A ce moment, je sens les regards se poser sur moi. La professeure reprend :
-Vous aurez donc la possibilité de débattre et de donner votre avis. Tout le monde a le droit à la parole. Prenez vos affaires et rendez-vous au local 261.
Dans la salle, on s’assied tous en cercle comme quand on était petits. Pour l’instant, la dame se présente et parle de son boulot, rien de spécial. Tout vire et chavire quand elle dit “à présent, chacun votre tour, donnez-moi votre avis sur les personnes de couleur noire”. J’ai cru que j’allais exploser en entendant toutes ces remarques… “Je trouve qu’ils n’ont rien à faire dans notre pays” “Ils doivent arrêter de se considérer importants : avant c’étaient nos esclaves et c’était bien comme ça ; chacun sa place” “C’est sale” “C’est moche” “Ils doivent retourner en Afrique”... Quand ce fut mon tour, j’étais au bord de la crise, et j’ai répondu “Je sais pas”, parce que je ne voulais pas débattre là-dessus avec des racistes : ils voudront avoir le dernier mot. La femme semblait étonnée, mais ne dit rien. Tant mieux !
En rentrant chez moi, je file dans un coin et je prends mon carnet, ma peinture et mes marqueurs. Si ce n’est pas la parole qui me permettra de m’exprimer, ce sera l’art ! Je remarque à peine le regard interloqué de Maman et de Issa. Un dernier coup de pinceau eeeeeet… voilà ! Fini ! Je dois avouer que je suis fière du résultat, malgré que ce ne soit qu’un brouillon. Je me dirige vers l’ordinateur quand ma mère m'interrompt :
-Tututut ! Que fais-tu donc ? Je te vois gribouiller depuis maintenant deux heures dans ton coin et maintenant tu vas monopoliser le PC ?
-Ho rien de spécial on doit faire une peinture originale pour le cours d’art plastiques et se renseigner sur des artistes.
-Mouais… ok vas-y
-Merci m’man !!
J’ouvre l’ordinateur, mais dans la barre de recherche, je ne tape pas Wikipédia… je tape Facebook.
J’ai vu dernièrement qu’une exposition d’art aurait lieu dans une semaine, à la mairie. Si j’ai la possibilité de montrer ma peinture je pourrais faire passer un message ! Avec un peu de chance…
Je note le numéro de téléphone de la gérante et je continue mes recherches. Je note aussi l’adresse mail, on sait jamais. Je sors de la maison pour “réfléchir” et je compose le numéro sur mon portable.
-Oui allô, ici Eloïse Dupont, responsable de l’exposition artistique à la mairie, que puis-je pour vous ?
-Oui, Bonjour Madame, je m’appelle Inaya et je me demandais s'il était encore possible de participer à l’exposition ? J’en doute fort mais c’est important pour moi.
-Vous doutez juste, mais je peux voir ça. Je n’ai pas assez de temps pour en discuter maintenant, mais si vous le souhaitez, nous pouvons nous rencontrer à la mairie au plus vite ?
-Oui, je comprends !
-Demain à 10h vous conviendrait-il ?
-Oui, bien sûr !
-D’accord, à demain madame.
-Merci, à vous aussi, répondis-je avant de raccrocher.
Je pense que j’ai mes chances, on verra bien demain ! C’est samedi, donc j’ai le temps !
Je range mes cours de la journée puis je vais me coucher.
Le lendemain, je me lève de bonne heure, je m’habille et je sors en déposant un bisou sur la joue de maman. J’achèterai un croissant en chemin. A 10h, je suis devant la mairie. J’ouvre la grande porte avant de repérer ce qui me semble être un secrétariat. Je demande où trouver la responsable de l’expo. On m’indique un couloir et je m’y rends.
En rentrant, je dis :
-Bonjour…
-Bonjour ! Entrez donc ? C’est vous que j’ai eu au téléphone hier ?
-Oui, Inaya, enchantée !
-Eloïse, moi de même ! Vous souhaitez participer à l’exposition, si je me souviens bien, et nous avions pris rendez-vous pour en discuter, c’est bien ça ?
-C’est bien ça, dis-je un peu gênée
-Bien, asseyez-vous ici, et dites-moi tout !
-Je souhaite présenter une toile qui permettrait de faire changer un peu la vision des choses sur le racisme et le droit des femmes, mais en restant toujours dans le côté artistique. Je trouve qu’il faut passer ce message important. Tenez, voici un brouillon de ce que je pensais faire si vous me l’accordiez.
Je lui tend mon carnet, je vois une étincelle éclater dans ses yeux… elle sourit.
-C’est magnifique ! Vous peins vraiment très très bien, et le message que vous souhaitez passer est très beau. Je vous accorde donc, comme vous dites, un bel endroit pour l’afficher. Je vous invite à me suivre, je peux vous montrer l’endroit auquel je pense.
-C’est vrai ? Oh, je vous en remercie ! Vous n’imaginez pas comment ça me rend heureuse de passer ce message au travers de votre exposition ! Bien sûr que je vous suis !
Nous nous levons en même temps. Je suis comme sur un petit nuage !
L’emplacement est décidé. Je rentre à la maison et je raconte tout à Maman.
-Je suis fière de toi, ma chérie… c’est tellement beau ce que tu fais pour te battre…
-Merci maman !
Je ne m’attarde pas plus : je sors une toile de sous mon lit et je me remets à peindre.
Mon chef-d'œuvre est fini ! Haaaaaaa… j’ai trop trop hâte ! Je retourne, vers 17h, à la mairie pour donner ma toile à Eloïse Dupont.
-C’est encore plus beau que dans mon souvenir de ce matin ! Vous avez un vrai talent !
-Merci ! dis-je pour une énième fois.
Jour -6, jour -5, jour -4, jour -3, jour -2, jour -1 et nous voilà au Jour J ! Une copine avec qui je m’entends plutôt bien a accepté de me prêter une jolie robe jaune à pois blancs, mais elle ne sait pas pour quel évènement.
Je commence à avoir l’habitude de me rendre à la mairie ! Je reprends le chemin habituel mais cette fois-ci accompagnée de Maman et de Issa, qui a réussi à débloquer un jour entier pour venir voir l’exposition. Malgré ma hâte de voir mon tableau accroché au mur, je prends le temps de regarder toutes les sculptures, les peintures, les croquis, les
meubles. Ce mois-ci, il n’y a pas de thème. On peut dire que j’ai eu de la chance !
Je croise quelques camarades de classe mais ils ne m’adressent aucun regard, comme je m’y attendais.
Quelques jours après, je tombe malade. D’après le médecin, il s’agit d’une petite grippe. Je n’ai pas le droit de sortir pendant une semaine ou deux. J’allume la télévision de la cuisine en mangeant une tartine au choco.
“Mesdames, Messieurs bonjour, vous êtes là pour les infos du matin ! Un incendie en Australie surprend les habitants pendant la nuit, les autoroutes en direction de Paris sont déjà encombrées et une exposition dans un petit village de France surprend les villageois, voici les explications !”
Je n’étais pas trop à l’écoute, mais j’ai tendu l’oreille quand ils ont commencé à parler de l’expo.
“Une exposition artistique a eu lieu dans un petit village dans le Sud de la France, il y a quelques jours. Une peinture en particulier aurait surpris et fait réfléchir beaucoup de personnes. Voici la toile, à l’écran. La peintre, qui est en effet une femme, se nomme Inaya. Nous n’avons pas encore pu lui parler de son tableau, mais on entend beaucoup son nom dans les rues.
-Le message que cette jeune fille a voulu passer est très beau. Je ne m’attendais pas à voir ça en venant voir cette exposition. Si son but était de faire réfléchir les gens, elle a tout à fait réussi.
-Je connais Inaya, elle est dans mon lycée, et je ne m’imaginais pas qu’elle ferait un truc pareil pour se battre.
-Le monde devrait prendre exemple sur elle. Qu’elle fasse réfléchir sur le racisme, c’est une chose, mais qu’en plus de ça ce soit une femme qui se démarque et se bat pour les droits féminins, c’est tout aussi incroyable.”
J’étais bouche bée. Quoi ?? MA toile ? Les gens aimaient bien ?? Comment est-ce possible qu'on en parle tant ??
-MAMAN ! TU AS ENTENDU ? crie mon frère qui s’était glissé derrière moi, VIENS VOIR ON PARLE D'INAYA !
Maman arrive en courant :
-Que se passe-t-il ? Ne crie pas comme ça je ne suis pas sourde ! Oh… m… mais…mmais… oh Inaya !! Tu as réussi !! Tu imagines ? Ohlala j’irai acheter un champagne pour fêter ça !
-Je peux boire du champagne moi ?
-Bah oui !
Elle me lève de ma chaise à la seule force de ses bras et me serre comme une peluche contre son cœur.
-Je suis si fière de toi !
-M’man… pff.. merci mais là… pff.. je sais plus… pff.. respirer !
Mon retour au lycée ne se fait pas aussi calmement que je l’avais imaginé. Tout le monde accourt autour de moi :
“Inaya c’est génial ce que tu as fait !” “Inaya je suis tellement désolé de t’avoir négligée comme ça pour ta couleur de peau” “Inaya tu peins trop bien !” “Inaya c’est incroyable le message que tu as fait passer !” “Grâce à toi Inaya je vois les choses différemment !”
Je répondais par des “Merci” gênés, et ce sont les surveillants qui ont dû m’aider à sortir de cet attroupement.
Je m’appelle Inaya. Mes passions sont tout simplement la peinture et la musique. J'ai 16 ans et je suis une lycéenne normale, ou presque.. Dans l’établissement, tout le monde sait que c’est moi qui ai fait changer la vision des choses de nombreuses personnes. J’ai plein d’amis, des vrais, qui ne sont pas là parce que je suis “connue”.
Maman et Issa, mon frère qui est étudiant en médecine, sont fiers de moi. Je sais que papa me voit depuis là-haut, et que lui aussi est fier.
C'est vraiment super 🤩😮
RépondreSupprimerMerci beaucoup 🥰
SupprimerWooow ! L’histoire est très touchante et superbe !
RépondreSupprimerLeya (studyingbloggingblog.blogspot.com)
Oh merci beaucoup 😊 je suis allée voir ton blog il est génial !
SupprimerKili